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Pourquoi ton oncle croit que la Terre est plate (et comment Internet l’a convaincu)

  • Writer: kian payette
    kian payette
  • May 28
  • 7 min read

Illustration humoristique représentant un homme complotiste devant son ordinateur, inspirée du thème “Pourquoi ton oncle croit que la Terre est plate”, pour un article sur les théories du complot et la désinformation en ligne.

Introduction

Il y a 20 ans, croire que la Terre est plate, que les vaccins contiennent des puces ou que Bill Clinton est un reptilien, c’était réservé à une poignée de gens un peu trop proches de leur lecteur VHS. Ces théories circulaient dans des recoins poussiéreux du web, ou dans des vidéos granuleuses qu’on trouvait entre un tutoriel pour dompter un furet et une recette de gâteau aux carottes. Aujourd’hui? Ces idées se promènent librement sur Facebook, TikTok, YouTube… et récoltent des millions de vues. Jusqu’à ce que ton oncle Réjean pense que prendre d’assaut le Capitole, c’est “se tenir debout pour la liberté”. Mais comment en est-on arrivés là? Pourquoi des gens parfaitement fonctionnels, capables de faire un budget, élever des enfants, ou monter un meuble IKEA sans se battre, finissent par rejeter la science, l’histoire et les institutions? Spoiler : ce n'est pas juste une question d'intelligence. C'est aussi une question d'algorithme.



L'origine : des blagues de trolls aux croyances mondiales

Le web, ce n’est pas nouveau, mais on dirait encore un ado : il a de la puissance, mais pas toujours beaucoup de jugement. Vous avez peut-être déjà entendu parler du fameux “Web 2.0” — non, ce n’est pas une mise à jour que t’as oublié de faire, c’est un concept un peu flou qui désigne une nouvelle manière d’utiliser le web. Moins “musée virtuel”, plus “party où tout le monde peut crier”.

Le Web 1.0 (les années 90 jusqu’à 2004), c’était le Far West... mais en version PowerPoint. Des pages HTML statiques, sans interaction. Tu lisais un texte noir sur fond gris, pas de commentaires, pas de likes, pas de “tu pourrais aimer ça”. Bref, une époque où le web était une bibliothèque tranquille — sans les ados qui crient dans les allées.

Puis est arrivé le Web 2.0. Là, tout le monde s’est mis à parler en même temps : commenter, partager, s’engueuler en caps lock. C’est l’Internet social, participatif, dynamique… et un peu trop intense. Les réseaux sociaux, YouTube, Wikipedia : tout le monde peut publier. Et les algorithmes, eux, jouent au DJ en te servant exactement ce que tu veux entendre. Peur, colère, validation… et boum, bienvenue dans ta bulle — ou plutôt, ta propre chambre d'écho. Parfait pour faire pousser des théories du complot comme des champignons.

Le Web 3.0, c’est encore flou : IA, blockchain, métavers… On dirait une bande-annonce de film de science-fiction. Et non, ce ne sera pas forcément mieux. Peut-être juste plus immersif pour se perdre encore plus profondément.

Mais revenons à notre époque actuelle, celle du Web 2.0. On connaît tous les grands réseaux sociaux : Facebook, Instagram, Twitter. Mais dans l’ombre, il y a un forum un peu plus louche qui a eu un gros impact sur la diffusion de théories du complot : 4chan.

À la base, c’était juste un petit forum anonyme fait pour les fans de dessins japonais. Mais avec le temps, c’est devenu l’équivalent numérique d’un dépotoir où les vidanges parlent entre elles. Pas de comptes, pas d’identité, juste des gens qui postent tout et n’importe quoi. Et quand tu combines l’anonymat avec zéro modération, disons que ça dérape plus vite qu’un party de Diddy.

C’est dans ce dépotoir qu’est née la théorie QAnon (aussi connu sous le nom de “pizzagate”). Et ce qui est tordu avec 4chan, c’est que personne ne te dit : “Voici un complot.” Non. On te dit :

"Et si on faisait croire à tout le monde que...?"

Et un jour, quelqu’un y croit vraiment. À partir de là, ça quitte le forum, ça se retrouve sur Facebook, TikTok, YouTube… et ça se répand. Et quand suffisamment de gens partagent une idée, même absurde, elle commence à ressembler à quelque chose de crédible.

Qu'est-ce que la théorie complotiste QAnon?

QAnon est une théorie du complot apparue dans des publications sur le forum 4chan en octobre 2017.


Les adeptes de cette théorie croyaient que le président américain Donald Trump menait en secret une guerre contre une cabale de pédophiles satanistes et cannibales opérant au sein d’Hollywood, du Parti démocrate, et de ce qu’on appelle « le deep state» du gouvernement américain.


Grâce aux plateformes de médias sociaux, la théorie a pris de l’ampleur tant dans son contenu que dans sa portée géographique au fil des années, entraînant des manifestations organisées ainsi que plusieurs actes criminels violents comme, par exemple, l'insurrection sur le capitole du 6 janvier 2021.



Mais comment les gens se font avoir aussi facilement?

C'est une question qu'on se pose tous à un moment donnée — surtout quand on lit des trucs comme "la Terre est plate", "les vaccins contiennent des puces 5G" ou "Justin Trudeau est le fils de Fidel Castro".


Mais en réalité, croire à une théorie du complot, ce n’est pas un signe qu’on est débile. C’est souvent une réponse humaine à un besoin psychologique profond. Voici pourquoi même des gens brillants, qui savent faire cuire du riz sans le coller, peuvent tomber dans le panneau :


  1. Le cerveau humain déteste l'incertitude Crise sanitaire, guerre, inflation, pénurie de sirop d’érable… peu importe la source d’angoisse, on veut des réponses simples. C’est beaucoup plus rassurant de se dire qu’un groupe secret contrôle tout que d’admettre que personne ne tient vraiment le volant.


  2. Les complots donnent du sens au chaos Un bon complot, c’est comme une télésérie : y’a des gentils, des méchants, un grand plan secret et des révélations chocs à la fin. Beaucoup plus facile à suivre que d'admettre que s'pas à cause de Bettman que les Nordiques reviendront pas.

  3. Elles créent un sentiment d'appartenance Croire à une théorie marginale, c’est comme entrer dans un club privé : t’as l’impression d’être « éveillé », spécial, plus intelligent que les autres.

  4. Les algorithmes amplifient tout ça L’algorithme ne sait pas ce qui est vrai ou faux. Il veut juste ton attention. Alors si une théorie bidon te garde scotché à l’écran, il va la mettre en vedette. C’est pas personnel, c’est juste du bon vieux capitalisme de l’attention.

  5. Manque d'éducation à l'esprit critique Beaucoup de gens n'ont jamais appris à évaluer une source, à reconnaître une manipulation, ou à vérifier l'information. Et même les gens très intelligents peuvent se faire prendre, s'ils veulent y croire.



Comment reconnaître une théorie du complot ou de la fausse information?

Personne n'est à l'abri des fausses nouvelles ou des théories du complot, cependant nous avons tous la capacité d'analyse critique nécessaire pour être capable de différencier ce qui est vrai ou faux. Voici quelque drapeaux rouges à repérer la prochaine fois que vous rencontrez de l'information douteuse :


  1. Elle accuse sans preuve solide

    • Des affirmations graves comme “les élites boivent du sang de bébé”... sans aucun document sérieux à l’appui.

    • Absence de source claire, ou sources biaisées/inconnues.

    • Des phrases passe-partout comme : « On ne vous dit pas tout », « Faites vos propres recherches », ou l’incontournable « Réveillez-vous! » (sans jamais dire comment se réveiller, évidemment).

  2. Elle simplifie des problèmes complexes

    • Le monde est soudain divisé en deux : les gentils éveillés et les méchants manipulateurs.

    • Aucune place pour le doute, la nuance ou la complexité… ce qui est quand même ironique quand tu parles de gouvernements mondiaux secrets.

    • La science? Le journalisme? Bah, tout est un “mensonge organisé”. Plus simple comme ça.

  3. Elle met toujours en doute les experts, mais jamais ses propres sources

    • Tout ce qui vient des médias, des chercheurs ou des institutions est suspect.

    • Par contre, un live Facebook flou filmé dans un stationnement devient une révélation.

  4. Elle tourne en boucle

    • Tu poses une question? Ça prouve que t’es manipulé.

    • Tu veux des preuves? “Justement, si tu demandes des preuves, c’est que t’es pas prêt à entendre la vérité.”

    • En gros, plus tu veux comprendre, plus ça t’éloigne de “ceux qui ont compris”.



Comment vérifier une information

L'esprit critique, ce n’est pas être cynique. C’est poser les bonnes questions sans chercher à confirmer ce qu’on pense déjà — autrement dit, rester neutre. “Lâche TVA”, “Radio-Canada c’est de la propagande”, “fais-toi ta propre opinion, lâche les médias traditionnels”… Ce genre de commentaire pullule sur les réseaux sociaux aujourd’hui — et honnêtement, ceux qui les publient feraient parfois mieux de se retenir.

Si vous préférez croire un post anonyme publié par un compte X (Twitter) avec un petit crochet doré que n’importe qui peut acheter, plutôt qu’un article rédigé par un média reconnu, encadré par des journalistes qui risquent leur réputation à chaque publication… c’est votre choix.

Mais personnellement, je préfère m’en remettre à des sources qui ont un historique de rigueur, de transparence — et surtout, quelque chose à perdre si elles diffusent de fausses nouvelles.


 Je l’admets : certains médias reconnus diffusent parfois des informations trompeuses sans en subir les conséquences. Mais il est tout à fait possible de les repérer, simplement en prenant le temps de croiser les sources. Voici comment :


  1. Remonte à la source

    Avant de partager, demande-toi : D’où ça vient?

    Est-ce un média reconnu? Un communiqué officiel? Ou une capture d’écran floue d’un article qui commence par “URGENT” en majuscules rouges? Pro-tip : si tu trouve pas la source original... c'est peut-être parce qu'elle n'existe pas.

  2. Croise les infos

    Une info fiable ne vient jamais d’un seul endroit. Regarde si d’autres médias sérieux en parlent : JDM, Radio-Canada, La Presse, Le Monde, etc.


    Si c’est juste un blog louche ou une vidéo TikTok qui dit “on me censurera bientôt”… fuis. Et si personne d'autre n'en parle, c'est peut-être pas un scoop... c'est juste faux.

  3. Vérifie les images et les vidéos

    Une image, ça se sort facilement de son contexte. Une vidéo, ça se monte.


    Fais une recherche inversée avec Google Images ou TinEye. Tu risques de voir que la photo “prise hier” vient d’un article de 2014 sur un autre sujet.

  4. Utilise des outils de vérification

    Tu n’es pas obligé de tout vérifier à la main. Il existe des pros pour ça :

    Ces outils existent pour que tu puisses dormir tranquille sans croire que le G7 se réunit dans un sous-sol de pizzeria.



Conclusion

Aujourd’hui, n’importe qui avec une connexion Wi-Fi peut se transformer en expert de tout et de rien — surtout de rien. Le problème, c’est que plus une théorie est choquante, plus elle se partage. Et plus elle se partage, plus elle semble crédible… même si elle est cousue avec du fil de Facebook.

Mais on n’est pas obligés de tomber dans le panneau. Apprendre à douter, à vérifier, à réfléchir, c’est pas réservé aux universitaires. C’est juste du gros bon sens.

Et entre toi et moi, si ton mononcle Réjean se remet à parler des reptiliens ou des élites sataniques au prochain souper de famille, t’as le droit de lui envoyer cet article. Poliment. Avec un clin d’œil. Ou pas.

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